News & Insights > Insights > Le « Pay As » dans l'assurance : un concept oublié prêt à refaire surface ?
 

  •  By Marie-Sarah Gastou

Mécanisme d'adaptation de la tarification des produits d’assurance en fonction du comportement de l'assuré, le « Pay As » n'est pas un concept tout à fait nouveau, sa genèse remonte à plusieurs années dans l'assurance auto. Pourtant, peu d’assureurs se sont saisis de cet outil, si bien qu'on en vient à se demander ce que devient ce concept et s'il a bel et bien une réalité business. L'accélération autour des appareils connectés et du partage de données pourrait toutefois le remettre au goût du jour et créer des opportunités pour des assureurs plus que jamais en quête de personnalisation (68% de clients souhaitent davantage d'offres spécifiques de la part des assureurs). Mais les enjeux n’en restent pas moins complexes, notamment lorsqu’on adresse les données de santé…

 

Le « Pay As » dans l’assurance auto : de l’assurance kilométrique à la prévention comportementale, la genèse d’un concept que l’on pensait oublié

 
La première apparition d’un concept de « Pay As » remonte à la création de l’assurance kilométrique : la prime est adaptée au nombre de kilomètres parcourus. Le « Pay as you drive », bien connu aujourd’hui, y a par la suite ajouté une dimension comportementale et préventive, in fine plus proche d’un « Pay How » : la tarification de l’assurance auto s’adapte en fonction du comportement de conduite de l'assuré. Le « Pay As » permet ici de proposer une alternative aux conducteurs qui seraient soumis à des primes plus élevées, par exemple les jeunes conducteurs, mais également de faire de la prévention et de diminuer le risque de sinistre. C'est par exemple ce qu'a mis en place Direct Assurance avec le programme « You Drive » en installant un boîtier connecté sur le véhicule des assurés qui analyse le comportement du conducteur à chaque trajet (freinage, allure, distance, virages) et en adaptant le montant des cotisations en fonction. 

 

Si le programme de Direct Assurance faisait figure de précurseur il y a 4 ans, le géant Tesla l’a récemment remis au goût du jour en s’emparant du marché de l’assurance auto en Californie. Là où l’installation d’un boîtier pouvait contraindre le conducteur, Tesla solutionne cette complexité en utilisant la télématique directement embarquée dans ses véhicules. Avec ‘Tesla Insurance’, le groupe utilise la donnée fournie par les voitures en temps réel pour évaluer le niveau de risque des conducteurs et adapter les primes chaque mois. Selon la marque, les meilleurs conducteurs pourraient économiser jusqu’à 60% sur le montant de leur prime mensuelle. 

 

La déclinaison du « Pay As » cross produits : des opportunités qui se développent sur les périmètres MRH et santé

Le « Pay As » se décline également du côté de l’assurance habitation, notamment à travers les technologies de « smart home » : la tarification est réduite si l’assuré équipe son logement de systèmes de protection et d’alertes. Par exemple, la startup Hippo Smart propose depuis quelques années jusqu’à 13% de réduction sur la prime si l’assuré installe un de ces systèmes.

Sur le périmètre santé, cette déclinaison a un nom, le « Pay as you live » : la tarification des produits d’assurance santé est adaptée en fonction du rythme de vie et des habitudes de l'assuré, dont les informations sont fournies par des objets connectés. Le champ des possibles parait ainsi très large quand on sait que d’ici 2030, 72% des assurés seront dotés d’au moins un appareil connecté. D’autant plus que les consommateurs semblent de moins en moins frileux à partager leurs données : à l’échelle mondiale, 55% seraient prêts à partager plus de données personnelles avec leur banque et/ou assureur en échange de réductions, de services personnalisés ou de conseils spécifiques. 

Article publié dans La Tribune de l'Assurance

L’avenir du « Pay as you live » en France : un cadre peu propice à l’utilisation des données et un besoin de trouver des opportunités alternatives

L'enclin des consommateurs à partager leurs données personnelles et les cadres de réglementation ne sont pas similaires à travers le monde. En France, le nombre de consommateurs prêts à partager leurs données tombe à 32%(contre 55% à l’échelle mondiale). La réglementation française ne va pas non plus dans le sens des assureurs. Historiquement, le Code de la Mutualité interdit aux mutuelles de fixer les cotisations des complémentaires santé en fonction de l’état de santé de l’adhérent. La loi Evin interdit également la tarification basée sur des données médicales. Plus récemment, une proposition de loi déposée en janvier 2019 vise à interdire l’usage des données personnelles collectées par les objets connectés dans le domaine des assurances. 

Mais face à cette évidente complexité, y a-t-il encore des opportunités alternatives pour les assureurs souhaitant faire évoluer leurs modèles vers plus de prévention et de personnalisation ? À ce jour, la réponse semble se trouver dans le "rewarding" : une forme de « Pay as » inversé où la prévention est encouragée en récompensant les bons comportements via des avantages, indépendamment de la tarification des primes en amont. Par exemple, le programme Generali Vitality encourage l’activité physique des salariés via des bons de réduction chez des partenaires santé et bien-être. Mutumutu, assureur des indépendants, va plus loin avec un programme récompensant des « challenges » de prévention : selon le challenge - réaliser un contrôle préventif chez un médecin généraliste tous les deux ans, ne pas fumer, ou encore pratiquer une activité sportive régulière - l’assuré peut bénéficier d’un remboursement pouvant aller jusqu’à 30% de la prime.

Les assureurs internationaux se sont également saisis de ce concept : l'assureur américain Oscar Health promet des récompenses en coupons Amazon, jusqu’à 100 USD/an si l’objectif quotidien de nombre de pas est atteint par l’assuré. La déclinaison « punitive » de cette vision existe également, comme c’est le cas avec le programme Jonh Hancock Vitality qui menace l'assuré d'une pénalité de 15 dollars si l’objectif mensuel de calories brûlées n’est pas atteint. 

A l’ère de l’hyperpersonnalisation en vogue dans de nombreux secteurs, le « pay as » semble être la suite logique du modèle de l’assurance. Cependant, ce modèle arrivera-t-il à percer sur un marché français encore frileux en matière d’exploitation des données personnelles, et où la mutualisation du risque est solidement ancrée dans les mœurs ? On peut l’espérer, afin que nos acteurs nationaux puissent rester à la pointe sur un marché mondial particulièrement compétitif.

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