News & Insights > Insights > L’assurance pour la micromobilité : un parcours semé d’embuches 

  •  By Eva Rivière

Article publié sur Option Finance

Le marché de la micromobilité est plein de promesses pour les assureurs. Nombre d’opportunités restent en effet à saisir alors que la société se tourne de plus en plus vers une mobilité verte. La croissance fulgurante des ventes de vélos et NVEI et la multiplication des partenaires potentiels sont autant de facteurs qui confortent les assureurs dans leur choix de s’engager sur ce marché. Pourtant, le caractère nouveau de ces véhicules et, par conséquent, la faible connaissance de leur sinistralité impose une certaine retenue face à une maîtrise des coûts limitée. Tout l’enjeu repose ainsi sur la capacité des assureurs à réduire et à diluer ce risque.

280 millions d’euros, c’est ce que pourrait représenter le marché de l’assurance des NVEI à horizon 2022*. Les NVEI - pour Nouveaux Véhicules Electriques Individuels – sont ces trottinettes électriques, gyroroues, gyropodes, hoverboards et autres bolides électriques qui arpentent dorénavant les pistes cyclables aux côtés des vélos. Pour les assureurs, la micromobilité, qui regroupe l’ensemble des modes de déplacements individuels, légers et portatifs, est rapidement apparue comme une opportunité à saisir et les offres se sont multipliées. Pourtant, avec une règlementation changeante et un risque difficile à maîtriser, les acteurs de l’assurance font face à des enjeux nouveaux. 

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Poussé par une conscience environnementale grandissante et une volonté croissante de fuir les transports en commun dans un contexte sanitaire instable, le marché de la micromobilité connait un essor fulgurant. En 2020, ce sont plus de 640 000 trottinettes qui ont été vendues soit 34% de plus que l’année précédente. Quant aux vélos, rien qu’entre mai et juin 2020, les ventes ont grimpé de 117%, hissant le marché à plus de 3 milliards d’euros, un chiffre qui s’explique également par la popularité croissante des vélos électriques dont le prix moyen avoisine les 1 749€. 

Cette multiplication du nombre et du type de véhicules dans les villes a entrainé une hausse des accidents : +35% chez les cyclistes et +19,6% pour les trottinettistes.  C’est pourquoi, depuis 2019 et après des années de flou juridique, les utilisateurs de trottinette électrique, mono-roue, hoverboard et gyropode ont l’obligation de souscrire à une assurance en responsabilité civile spécifique. 

Les facteurs de succès sont donc réunis pour une proposition assurancielle : un marché en pleine croissance, un véhicule de plus en plus onéreux, une conscience du risque accrue chez les usagers et une règlementation à la faveur des assureurs. En 2020, Cyclassur, marque spécialisée dans l’assurance des micromobilités, constate ainsi une hausse de 46% de ses ventes d’assurance vélo.  

De nombreux assureurs ont donc été séduits par ce contexte dynamique. Evoluant rapidement ces dernières années, le marché s’éclate aujourd’hui entre des pure players spécialisés tel Ulygo, BeProtekt ou QoverMe et les grands assureurs. Ces derniers, qui couvraient initialement la micromobilité au travers d’extensions de contrats MRH ou GAV, ont développé des produits dédiés aux vélos puis, plus récemment, aux NVEI. « Ces nouveaux moyens de déplacement sont de plus en plus visibles dans nos villes et pour répondre à nos clients, nous nous devions d’être présents sur ce marché », explique Karine Gangneux, directrice du développement des partenariats IARD et prévoyance chez Generali France, dans l’Argus de l’Assurance.  

Pour autant, si le marché de la micromobilité semble offrir une voie royale aux assureurs, nombre d’obstacles viennent assombrir le parcours. 

La première difficulté touche à la tarification de ces nouvelles offres. Les NVEI étant des véhicules nouveaux, très peu de données sont disponibles. Sans historique de fréquence, ni de coût moyen des sinistres, les assureurs doivent accepter d’avancer à l’aveugle, avec une connaissance limitée du risque, qui entraine une plus faible maîtrise des coûts. Autre difficulté liée au caractère nouveau des NVEI : l’expertise nécessaire pour prendre en charge leur réparation. Ne pouvant s’appuyer sur leur réseau de garagistes, les assureurs sont, pour la plupart, contraints de proposer un remboursement sur facture, un système de compensation plus onéreux due à l’absence de tarifs négociés. 

A ces difficultés s’ajoutent une règlementation changeante d’un pays à un autre, qui complexifie la possibilité de déployer une même solution à échelle internationale. Et pourtant, avec des primes d’assurance annuelles estimées entre 95 et 105€ pour un NVEI et entre 25€ et 300€ pour un vélo électrique, vendre à grande échelle semble nécessaire pour être rentable. 

Alors, de quelles solutions disposent les assureurs pour pallier ces obstacles ? Trois leviers de croissance sont identifiés dans une stratégie visant à limiter les sinistres et maximiser les volumes de vente : la prévention, la règlementation et les partenariats. 

Prévention  

Pour l’assurance des micromobilités, un adage est roi : « Mieux vaut prévenir, que guérir ». Ainsi, l’offre elle-même est conçue pour inciter l’utilisateur à la vigilance. Pour limiter le vol, diverses contraintes peuvent être imposées à l’assuré tel que le marquage du vélo ou l’obligation de le verrouiller à l’aide d’un (ou deux) cadenas issus d’une liste prédéfinie de fournisseurs. Face aux accidents, en revanche, les assureurs misent sur la communication pour limiter l’imprudence. En effet, selon le baromètre de la Sécurité routière 2021 publié par Axa Prévention, sur 237 trottinettistes interrogés, 78 % déclarent téléphoner en roulant. Rappel des règles de circulation et des équipements obligatoires, incitation à porter un casque et des accessoires auto-réfléchissants… la prévention est inhérente au parcours de souscription.  

Règlementation et évangélisation 

Si l’évangélisation des cibles permet de limiter le risque en responsabilisant les usagers, elle est également un atout clé pour dynamiser les ventes. Selon une étude menée pour Allianz France, plus de la moitié des Français ignorent qu’une assurance responsabilité civile spécifique est obligatoire pour les NVEI. Or, avec plus de 2 millions d’usagers en France en 2020, communiquer sur cette obligation règlementaire est un enjeu primordial pour les assureurs. Si différentes initiatives sont lancées, comme la Maif qui a choisi d’éduquer ses sociétaires via leur avis d’échéance 2019, les regards sont principalement tournés vers les distributeurs et fabricants qui n’ont, aujourd’hui, aucune obligation de communiquer sur la règlementation en vigueur.  

Partenariats  

Troisième levier activé par les assureurs, les partenariats sont au cœur des stratégies de distribution. A l’exemple de Allianz avec Lime, les flottes de véhicules en « free floating » sont évidemment une cible de choix. Grâce à ce partenariat, les quelques 2 millions d’usagers de trottinettes ou vélos en libre-service sont couverts en responsabilité civile mais aussi en cas de dommages corporels. Autres cibles privilégiées : les distributeurs, fabricants et services de leasing de vélos. L’avantage ici repose sur la possibilité de proposer en marque blanche une assurance optionnelle, plus complète, intégrant le vol et la casse. Le service est notamment proposé par Décathlon via AIG ou encore par Véligo, le nouveau service de location longue durée de vélos en Ile-de-France, via l’assureur Cyclassur. Les entreprises se montrent également de plus en plus intéressées par ces offres. Motivées par une politique RSE, nombre d’entre elles se dotent de flottes de vélos et se tournent vers les assureurs pour proposer à leurs salariés des offres couvrantes à des prix préférentiels. Enfin, à ces partenaires potentiels s’ajoutent l’ensemble de acteurs de l’écosystème des micromobilités : réparateurs, fabricants d’antivols, équipementiers… Allianz a ainsi annoncé un partenariat avec Cyclofix, société de réparation de vélo, via sa filiale Mondial Assistance, mais également avec la startup Bumpair, concepteur d’un casque à air ultra compact. 

Le marché de la micromobilité est donc plein de promesses pour les assureurs. Nombre d’opportunités restent en effet à saisir dans un monde qui se tourne de plus en plus vers une mobilité verte. La croissance fulgurante des ventes de vélos et NVEI, l’effervescence de véhicules en free-floating, la multiplication des partenaires potentiels et une règlementation portée sur la prévention sont autant de facteurs qui confortent les assureurs dans leur choix de s’engager sur ce marché. Pourtant, le caractère nouveau de ses véhicules et, par conséquent, la faible connaissance de leur sinistralité, impose aux assureurs une réelle flexibilité face à une maîtrise des coûts limitée. Tout l’enjeu repose ainsi sur la capacité des assureurs à réduire et à diluer ce risque. L’évangélisation des cibles quant à la règlementation en vigueur et aux risques encourus, ainsi que de solides partenaires comme relais de distribution, sont aujourd’hui parmi les facteurs clés de succès pour s’emparer d’un marché à la croissance plus que prometteuse. 

 

* selon l’étude "Le marché de l'assurance des NVEI", publiée par Xerfi 

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