Impact de la crise sur l'innovation : quel tournant pour l'écosystème startup ?
Si le premier semestre 2020 avait fortement démarré en termes d’investissements dans les pépites françaises (1,6 milliards d’euros levés dont 794 millions rien qu’en janvier), la crise est venue briser cette dynamique, gelant soudainement les investissements. Pourtant, la fin d’année a vu les investissements rebondir. Qu’est ce qui explique cette particulière résistance de l’écosystème français et quelles sont les leçons à en tirer ?
La dynamique d'hyper-croissance brisée au premier trimestre 2020
Au mois de mars, les startups européennes auraient combiné 383 milliards d’euros de pertes. Par exemple, fin mars 2020, Uber avait perdu 42% de capitalisation boursière par rapport à janvier 2021, et Expedia 56%. Et si le chômage partiel et les PGE ont permis aux entreprises de faire face aux problèmes de trésorerie les plus immédiats, cette situation a toutefois provoqué une dégradation de leur bilan, les rendant plus endettées, plus fragiles et plus dépendantes des financements.
Pour les fonds d'investissement, l'heure était donc au sauvetage, pas à la prospection… Entre janvier et juin, les startups françaises ont levé 2,7 milliards d'euros, soit 3,5% de moins qu’au premier semestre 2019. C'est la première fois depuis 2013 que le montant levé sur un semestre recule. Et bien que léger, ce recul révèle que la crise économique a brisé le très fort élan de la FrenchTech, habituée à une croissance à deux chiffres à chaque semestre (+39% en moyenne au premier semestre sur les quatre dernières années).
Un regain de confiance sur la fin d'année
Pourtant, les chiffres de cette fin d’année démontrent que les investissements rebondissent : les jeunes pousses françaises ont rassemblé près de 679 millions d'euros d'investissements en capital-risque au mois d'octobre, soit 54% de plus qu'à la même période l'année dernière. Et malgré le second confinement, les startups ont tout de même réussi à lever 351 millions d'euros en novembre, soit 24% de plus que l'année passée.
Au total, le montant levé par les entreprises françaises du secteur devrait s’élever à 5,5 milliards d’euros d’ici la fin de l’année ; avec des levées de fonds exceptionnelles comme celle de Ÿnsect (190 millions) récemment au mois d’octobre.
Finalement, la France résiste bien mieux que les autres pays européens puisqu’elle est la seule à afficher une croissance des prises de participations en 2020. Mais alors, qu’est ce qui explique cette particulière résistance de l’écosystème français dans une période qui semblait plus qu’incertaine ?
Premièrement, la solidité de l’écosystème FrenchTech réside dans son histoire. La conjoncture économique d’avant crise a poussé l’entreprenariat et l’envol des pépites technologiques françaises, devenant des piliers solides de l’écosystème. Les aides des acteurs publics et des fonds régionaux ont également fortement contribué à la résilience du secteur, participant à l’optimisme des entrepreneurs qui ont majoritairement vu « le verre à moitié plein » (déclaratif par 87% des entrepreneurs en avril 2020).
Deuxièmement, cet optimisme a permis aux startups françaises de s’adapter à la crise en pariant de façon pragmatique sur les secteurs porteurs : la téléconsultation, les outils digitaux pour les entreprises… car « dans chaque crise il y a des opportunités à saisir ».
Les investisseurs semblent ainsi démontrer un fort engouement pour les secteurs du martech/adtech (174,5 millions d'euros levés au mois d’octobre puis 60 millions d'euros au mois de novembre). La startup française Sendinblue, spécialiste des outils de marketing numérique à destination des PME, a ainsi réalisé la deuxième plus grosse levée de fonds du mois d’octobre. Car si la digitalisation était déjà un sujet très actuel, le confinement a mis en lumière les inégalités entre les entreprises, notamment pour les PME.
De nouvelles priorités : vers une quête de sens ?
Au-delà de l’accélération de la digitalisation, le deuxième engouement majeur des investisseurs se porte sur la biotech : 236 millions d'euros levés au mois d’octobre et 14,5 millions d'euros au mois de novembre). La startup Ÿnsect a réalisé la plus grosse levée de cette fin d’année avec son élevage d'insectes transformés en protéines alimentaires pour animaux et plantes. Bien que l’environnement et les nouveaux modes de consommation furent déjà d’actualité avant le confinement, ce positionnement démontre l’accélération de la prise de conscience des consommateurs pendant la crise.
« Les investisseurs commencent à s'intéresser à cette nouvelle manière de faire de l'économie avec ces entreprises à impact » Salomé Géraud, co-fondatrice « Le Drive tout nu », drive 0 déchets et responsable.
Les entreprises à impact se sont d’ailleurs développées dès le premier confinement : Vestiaire Collective, la plateforme de mode responsable promouvant l’économie circulaire et le réemploi levait des fonds en avril dernier pour se développer à l’international, ou encore On achète français, la vitrine numérique du made in France, se lançait en mai dernier pour aider les petits commerçants.
La crise apparait comme le catalyseur de l’entreprise engagée, favorisant l’économie circulaire, les circuits courts et la transformation des industries : une dynamique qui risque de s’accélérer sous la pression des consommateurs et investisseurs.
Conclusion
Les startups ouvrent les voix de l’innovation et sont le principal carburant des grandes entreprises pour qui la reprise économique de l’écosystème est une bonne nouvelle. D’ailleurs, c’est en travaillant ensemble dans le sens des tendances qui émergent, que start-ups et grands groupes pourront construire de nouvelles opportunités créatrices de valeur et participer au rebond durable de l’économie.
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