News & Insights > Insights > Communauté Client: les 7 raisons d'échec

  •  By Bertrand Destailleur

Bertrand Destailleur et Nicolas Regallet (Equancy) expliquent dans cette tribune exclusive pour LSA pourquoi beaucoup de marques ont échoué dans le défi de lancer leur communauté. Les deux experts détaillent 7 points clés susceptibles de faire échouer votre communauté. Leur analyse.

Cette crise sanitaire, économique (avec une chute de 8,3% de la croissance française) (1) mais aussi sociale (avec une diminution des contacts de plus de 80% pendant le confinement) (2), est entrain de transformer profondément et durablement nos relations aux marques… et de commercer.

Contrepartie de cet éloignement forcé, la distanciation a renforcé le désir de vivre-ensemble, le partage, l’entraide et in fine le besoin de se retrouver avec ses proches, de faire corps avec des pairs partageant les mêmes valeurs. Entre marque et consommateurs, et de consommateurs à consommateurs, un nouveau modèle de relation s’est créé, autour de l’attention, la contribution, l’engagement.

Nous vivons un momentum. Face au besoin de proximité les marques développent de nouveaux canaux pour se rendre plus accessibles, face au besoin de liens, les consommateurs investissent plus encore les forums et réseaux sociaux pour s’exprimer (+61% d’usage mondialement des réseaux sociaux par rapport aux taux d’utilisation observés habituellement) (3), face au besoin d’authenticité, la parole et les contenus du consommateur l’emportent sur celui des influenceurs institués (4) .

Mais surtout, si une marque porte des valeurs proches de celle du consommateur, génère des émotions positives, 40% des Français se disent prêts à rejoindre sa communauté (5).

Pour autant, si beaucoup de marques ont relevé le défi de lancer leur communauté de clients, beaucoup ont échoué. Pourquoi ?

Pour comprendre les raisons de ces échecs, nous nous sommes essayés – à travers un benchmark (6) cross-sectoriel des communautés existantes, d’interviews de responsables des communautés au sein des marques et d’éditeurs de solutions communautaires - à analyser et identifier les 7 raisons qui à coup sûr feront échouer votre communauté de clients.

Raison 1 : Pensez bénéfice marque sans penser bénéfice client (ou inversement)

Une marque aspirationnelle ou « love brand » dispose dès le départ d’un capital relationnel qui fonde sa légitimité pour créer sa communauté grâce à des clients fidèles, engagés, réunis autour d’un intérêt voire d’une passion commune. A ce titre, impossible d’échapper à la communauté Lego Ideas qui propose à 1,5 millions de membres (7) d’étendre leur terrain de jeux en partageant leur passion et leurs créations. Avec sa communauté et l’engagement indéfectible de ses membres derrière elle, Lego s’est vu décerner le titre d’« entreprise la plus puissante du monde » (8). Le classement prend en compte une variété de critères notamment parmi lesquels nous retrouvons le « capital » sympathie de la marque auprès des consommateurs, des employés et des actionnaires.

La communauté C’Vous du groupe Casino a malheureusement été confrontée à ce déficit de bénéfices gagnant-gagnant entre la marque et ses membres et dû fermer ses portes malgré un démarrage prometteur. Après plus de 3 ans d’existence et 300 000 membres, la communauté s’est surtout essayée à « tester les effets du modèle communautaire » (9) et à varier et enchainer les vocations. Côté marque elle n’a pas réussi à démontrer ses bénéfices ni son ROI. Côté client, elle a égaré ses membres en leur demandant tour à tour de voter pour des produits, de répondre à des études, de donner son avis, de s’entraider entre eux, et même de co-construire de nouveaux services. Faute de clarté et de constance dans les bénéfices attendus, et à force de solliciter ses membres sur une trop grande variété de formats et de sujets, la communauté C’Vous disparaît en 2015.

Raison 2 : Lancez votre communauté sans vocation de départ

Ne pas assigner de vocation à votre communauté reste la meilleure façon de la faire échouer. En tant qu’ambassadeur ou futur membre de la communauté : qu’est-ce que la marque attend de moi ? Quel contrat relationnel me propose-t-elle ? Qu’ai-je à gagner en échange de ma contribution : un statut social, de la reconnaissance, des cadeaux, un pouvoir d’influence sur les nouveautés de la marque, un droit de co-construction ? Autant de questions à adresser et auxquelles il vous faudra répondre pour cadrer votre communauté et vous fixer sur sa vocation.

Aujourd’hui, 4 vocations caractérisent les différentes communautés de clients :

  1. Entraide : Grâce à son mode C2C, la communauté apporte des solutions et des réponses crédibles aux besoins et questions des clients comme le chat communautaire de BlaBlaCar ou encore la communauté SAV Darty.
  2. Inspiration : Comme la communauté Auchan & Moi, cette dernière est fondée sur le partage grâce à des contenus inspirants au travers, par exemple, de recettes, de tendances de consommation ou encore de témoignages de producteurs.
  3. Etude : Le but est de booster le développement en collectant les insights des consommateurs (ex. EDF Pulse & You).
  4. Co-construction : Ici, comme son nom l’indique, l’idée est de permettre de concevoir, tester de nouveaux produits et services tout en sollicitant l’avis des membres de la communauté (ex. Decathlon Co-création).

L’exemple de la communauté EDF Pulse & You est un très bon exemple de communauté réussi. EDF n’est pas spontanément une « love brand » mais grâce à une vocation de départ claire et engageante (« Co-construire ensemble la transition énergétique ») et un contrat relationnel explicite entre ses 10.000 membres (des points et des cadeaux à gagner selon la contribution de chacun), Pulse & You a fédéré des consommateurs finaux, des collaborateurs et des start-ups autour de projets d’innovations et ainsi recueilli plus de 62.600 idées pour construire le monde énergétique de demain.

Raison 3 : Oubliez récompenses et leviers d’animation

90% des interviewés disent que le plus dur n’est pas de recruter mais bien de faire durer sa communauté (10) dans le temps. Il y a, en effet, un réel besoin de scénariser les leviers d’animation pour rendre la communauté attractive et renouveler son intérêt. Avec, néanmoins, une bonne idée de départ autour du RSE, de l’entraide et du vivre-ensemble, la communauté Bio C’Nous de Bio C’Bon, créée en 2017, s’est arrêtée trop rapidement. Une des raisons de cette interruption : le déficit d’animation et de stimulation de ses membres via une mécanique de récompenses ou des leviers de gamification.

Pourtant, il existe aujourd’hui une multitude de leviers pour animer sa communauté parmi lesquels la publication de bons plans, d’astuces, de votes ou encore de jeux concours sont les plus répandus.

Rendre une communauté attractive et pérenne c’est aussi récompenser l’implication et la contribution des membres de la communauté grâce à la mise en place d’un système de gamification comme l’attribution de points à chaque vote ou contribution, de badges, de statuts ou encore grâce à des mécaniques de récompense aussi bien monétaires que matérielles. Attention toutefois sur ce dernier volet à bien aligner le système de récompenses avec la vocation initiale de la communauté. En effet, une communauté d’entraide qui prône le partage authentique et le coup de main désintéressé se révèlerait en complète dissonance avec des récompenses systématiques qui injecteraient une dimension mercantile, à terme nuisible, à la spontanéité et la sincérité des échanges. 

En somme, créer une communauté n’est que l’alpha d’une démarche qui, pour durer, doit s’inscrire dans le temps, la continuité des échanges et la stimulation de ses membres à travers une pluralité de leviers d’animation.

Raison 4 : Estimez que tous vos clients vont participer

Il est illusoire de croire que tous vos clients vont rejoindre la communauté et qu’une fois inscrit, chacun y contribuera à sa juste mesure. A ce titre, l’identification en amont des ambassadeurs, des clients les plus fidèles, des ouvreurs d’emails les plus addicts et des membres les plus actifs sur les réseaux sociaux est un incontournable. Ce sont ces membres qui demain, feront vivre la communauté et qui seront les véritables moteurs (entre 35 à 45% du contenu sera produit par ces derniers) (10). Et encore, seulement 1% des membres seront vos ambassadeurs, 9% des contributeurs réguliers et 90% seulement des spectateurs-lecteurs.

C’est ici toute la différence entre les réseaux sociaux et les plateformes communautaires : alors que sur les réseaux sociaux, l’objectif est de renforcer votre notoriété, faire du volume et de l’audience (REACH), l’objectif d’une communauté réside dans la volonté d’engager plus avant vos ambassadeurs, de leur mettre à disposition un outil, une plateforme pour exprimer leur attachement, et de créer de la valeur (ENGAGEMENT).


Titre : Schéma de contribution des différentes parties prenantes d’une communauté

Raison 5 : Oubliez d’assigner à votre communauté des objectifs business

La création d’une communauté de clients doit être - aussi - génératrice de transformation et de business. Aucune communauté de clients, si engagés soient-ils, ne résiste si elle ne démontre pas sa capacité à créer de la valeur marchande. Dès lors, établissez en amont, et toujours à l’aune de la vocation poursuivie, votre liste d’indicateurs de performances à suivre pour que la communauté devienne un levier de business incrémental.

Parmi les indicateurs business les plus courants, citons-en 7 à mettre en place pour piloter votre communauté avec leurs objectifs cibles référents issus du Benchmark Communauté d’Equancy (10) :

  1. Trafic sur le site internet (+10% de trafic supplémentaire la première année) 
  2. Taux de conversion (+12% de taux de conversion sur des pages ciblée) 
  3. Augmentation du panier moyen (+5 à 10% grâce à la communauté) 
  4. Visibilité sur le search (+20% de trafic SEO) 
  5. Volume du contenu via l’UGC (3 fois plus de contenus grâce aux consommateurs)
  6. Volume de sollicitations entrantes (-20% de sollicitation du service client)
  7. Engagement client (+3% de chiffre d’affaire)

Néanmoins, n’oublions pas « l’actif relationnel » d’une communauté qui contribue à améliorer les indicateurs relatifs à la préférence et à la notoriété de votre marque. Ainsi, si Lego s’est vu décerner le titre de « l’entreprise la plus puissante du monde » et a vu sa valeur capitalistique augmenter (et passer devant l’ancien N°1 du jouet Mattel) c’est grâce notamment à l’engagement actif de ses 1,5 million de membres dans le monde.

Raison 6 : Pensez que tous les éditeurs de plateforme communautaire font la même chose

Quand Howtank propose une solution de chat communautaire, Fanvoice propose une plateforme d’étude. Quand Wibilong, conçoit une plateforme centrée sur la conversion, iAdvize développe une communauté à même de se substituer au Call Centre de la marque. Quand Go4Social donne la possibilité à chaque client de devenir nano-influenceur, Potion Social propose à chaque chef de rayon des outils pour fédérer et animer sa communauté de clients et créer de l’animation dans les rayons dont il a la charge. Et quand TokyWoky, propose une plateforme de chat et de partage, souvent pour les acteurs du Retail, Khoros lui s’impose comme le leader des communautés à fort volume en BToB comme en BtoC.

En effet, alors que ces éditeurs proposent tous le développement de communautés de clients, en réalité il existe de nombreuses disparités en termes de prix, d’approche, de clés de succès ou encore de vocations de plateforme.

Aussi avant toute adoption d’une solution communautaire, prévoyez une phase de cadrage pour clarifier la vocation de votre communauté, préciser votre cible, définir la structure éditoriale et l’animation, préciser les leviers de recrutements, bâtir l’organisation nécessaire et enfin identifier la solution et l’éditeur correspondant aux objectifs assignés à votre communauté.

Raison 7 : Imaginez que vous allez rester maître et possesseur de votre communauté

Après tous ces efforts et ces chausse-trappes déjouées, arrive enfin le but ultime de votre communauté, le moment de vérité (et de grâce) où les membres s’auto-régulent, où vos ambassadeurs rétorquent à vos détracteurs, où vos collaborateurs prennent le réflexe de se rendre sur votre communauté pour trouver les meilleures réponses aux questions toujours plus pointues des clients toujours plus tatillons.

En effet, à partir d’un certain temps d’existence de la communauté, il faut accepter que cette dernière vous échappe et laisser les membres s’y épanouir. La communauté de Boulanger permet, par exemple, à ses membres d’obtenir un statut de modérateur après avoir atteint un certain grade au sein de la communauté.

Ainsi, la communauté est devenue un réel atout business, un outil d’usage pour vos forces de vente ou encore le SAV, mais aussi et surtout une plateforme d’entraide, de partage et/ou d’idéation pour un certain nombre de vos clients. Vous n’avez donc plus qu’à accepter de laisser vivre votre communauté sans oublier bien sûr d’accompagner son développement et de préparer… son autonomie.

Et vous, arriverez-vous encore à faire échouer votre communauté ?

Sources :

  1. 20 Minutes, Janvier 2021
  2. LNS, Août 2020
  3. Digimind, Juin 2020
  4. Les consommateurs font plus confiance aux sites d’avis à 89% et à 70% aux blogs et vlogs – Etude Dimension Kantar mai 2020
  5. Etude Opinion Way
  6. Cf. Benchmark Communautés Equancy 2021
  7. Lego Ideas, 2021
  8. Titre décerné par le cabinet Brand Finance en février 2017 
  9. Interviews des éditeurs de plateformes communautaires
  10. Chiffres issus du Benchmark Communautés Equancy 2021 
L'expert métier :

Bertrand Destailleur

Associé Expérience Client

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Crédit photo : Equancy

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